O poète, contemple l’azur– Victor Hugo

Ô poète, contemple l’azur radieux !
Tu peux presser l’oreiller des violettes,
Cueillir les lys, les jasmins, les fleurs que tu veux,
Car toute fleur est sœur des étoiles muettes.

Les vents caresseront tes cheveux blancs, ô vierge,
Le ciel a vu l’essor de tes ailes ; il est doux.
La brise va t’ouvrir les bras, blanche neige,
Et te dira : Viens, lève les yeux, regarde en tous.

L’ombre t’adorera. – L’éclair dans ta prunelle
Passera. Le rayon mettra la pourpre aux cieux.
Les chastes et pudiques déesses d’Olympe, elles,
Se pencheront à toi pour baiser tes cheveux.

Et tu diras : Soleil, montagnes, profondeurs !
Rien de l’homme n’est grand. Rien n’est petit. Tout crie.
L’herbe, les nids, l’épi, la moisson des semeurs,
La goutte d’eau qui rit, l’astre qui sourit.

Le poids du monde est doux. – L’araignée tisse un voile
Pour le rêve étoilé de l’âme. L’œuf des vers
Est la doublure d’or du cerceau de l’étoile,
Et le petit brin d’herbe est la tapisserie, ô vers !

Le moulin doit être un monde. Le sentier doit être
La route du colosse, et dans le nain, la voix.
L’œillet doit être un astre, et la flamme une hêtre,
Et chaque goutte d’eau qui fuit est le débris.

Ô poète, contemple l’azur radieux !
Tu peux presser l’oreiller des violettes,
Cueillir les lys, les jasmins, les fleurs que tu veux,
Car toute fleur est sœur des étoiles muettes.

Victor Hugo