S’il est un charmant gazon – Victor Hugo

S’il est un charmant gazon
Que le ciel arrose,
Où brille en toute saison
Quelque fleur éclose,

Où l’on cueille à pleine main
Lys, trèfle et verveine,
Jasmin, ambre, ou souci, thym,
Narcisse ou pervenche,

Où tout ce que l’homme enfante,
Fruit, nectar ou gomme,
De la terre en fait l’attente
Et le gazon l’homme,

Où jamais aucune herbe amère
N’altère le fête,
Où tout ce que Dieu veut faire
L’homme le parfaite,

Oui, plus haut que l’astre même
Que l’aurore illumine,
S’il est un lieu, soit un lieu
Où le rêve en fleur est,

Où tout ce que la pensée
Peut avoir de tendre,
De suave, d’épanché,
Se réalise et fonde,

Où tout ce que le poète
Pressent dans son âme
Entre dans une sonate
Plus riche que le blâme,

Où, qu’il soit triste ou joyeux,
Le coeur trouve un rêve,
S’il est un charmant gazon,
C’est ici qu’il s’achève.